L’absolution, kessé ça?
Direction
Dernière mise à jour :
28 septembre 2023
On entend souvent parler des absolutions comme une sentence « bonbon ». L’impression qui ressort des médias sociaux et des médias traditionnels est qu’une absolution est l’équivalent d’un acquittement. Toutefois, la réalité est plus complexe que cela.
Bien évidemment, une absolution est loin d’une sentence de pénitencier fédéral. Elle apporte cependant son lot de désagréments et de conditions à respecter, sous peine d’être de nouveau accusé(e) en chambre criminelle.
Afin de démystifier cet étrange phénomène que sont les absolutions, nous vous présentons donc onze (11) vignettes explicatives qui seront publiées une par semaine, de septembre à novembre 2023.
Bonne lecture!
Campagne de sensibilisation
Automne 2023
Par Daniel Poulin-Gallant
Directeur d’AJ et criminologue
On décrit l’absolution dans le dictionnaire Usito (2023) comme suit « Pardon des péchés accordé par le confesseur lors du sacrement de pénitence », « Effacement d’une faute dont on obtient le pardon » et « Décision de justice par laquelle un accusé est déclaré non punissable, bien que convaincu du fait qui lui est reproché. ».
C’est plutôt la troisième définition qui nous intéresse.
En effet, une personne qui reçoit une absolution après la commission d’un crime n’est pas absoute comme la définition religieuse l’exprime. En fait, la personne sera bel et bien reconnue coupable d’une infraction criminelle, mais n’aura pas ou peu de punition pour son geste.
Il est donc important de se rappeler qu’elle n’est donc pas acquittée. Si une personne mentionne qu’elle n’a pas d’antécédents judiciaires parce qu’elle vient d’obtenir une absolution, elle est en torts.
Maintenant qu’on sait qu’une absolution est une reconnaissance de culpabilité, qu’est-ce que ça fait?
Eh bien, une absolution dans les faits donne aussi un casier judiciaire à la personne condamnée. Mais attention, ce casier judiciaire est limité dans le temps, au sens où celui-ci « s’efface » automatiquement des registres de la Gendarmerie royale du Canada (GRC, 2022)). Et ce, après un (1) an ou trois (3) ans après l’ordonnance d’absolution.
Dans les faits, c’est un peu plus compliqué que cela, mais disons que cette inscription aux registres ne peut être divulguée sans bonne raison après les délais mentionnés plus haut.
Se faire demander pendant cette période si on a un casier judiciaire et répondre non, c’est mentir. Et en entrevue, mentir peut s’avérer hasardeux.
Bon, on sait qu’une absolution c’est être reconnu coupable d’un crime et que ça donne un casier judiciaire. Mais est-ce que ça laisse des traces après les délais?
La réponse est oui. En effet, même si la GRC scelle les informations des absolutions après 1 ou 3 ans, des traces administratives restent dans les cours de justice. Fait intéressant, en droit criminel canadien, tout est public. Ce qui veut dire que n’importe qui peut aller faire une vérification au plumitif et savoir qu’une personne a déjà eu une absolution (SOQUIJ, 2012).
Il existe toutefois des procédures à faire dans ce cas. On vous invite à continuer la lecture pour en apprendre plus.
Lorsqu’il est question d’un délai de 1 ou 3 ans avant que l’absolution soit scellée des dossiers de la GRC, qu’est-ce qui décide ce délai? En fait, ça dépend de quel type d’absolution est donné à la personne reconnue coupable. Il en existe deux types : avec et sans conditions.
L’absolution inconditionnelle n’est pas assortie de conditions à respecter. La personne peut donc vaquer à ses occupations régulières, tant qu’elle maintient l’ordre et ne commet pas de nouvelles infractions criminelles (Éducaloi, 2020).
L’absolution conditionnelle, elle, est assortie de diverses conditions qui dépendent de plusieurs facteurs. Chose certaine, une personne qui ne respecte pas ses conditions peut être de nouveau accusée d’infraction criminelle (voir ici de « non-respect de conditions »).
Avec toutes les informations mentionnées plus haut, on s’entend qu’il serait très étonnant de conclure que les absolutions sont une forme de justice réparatrice.
Selon le Secrétariat des conférences intergouvernementales canadiennes (2018), la justice réparatrice est une « approche de la justice qui vise à réparer les torts causés en donnant aux personnes lésées et à celles qui assument la responsabilité des torts infligés l’occasion de communiquer leurs besoins respectifs et d’y répondre à la suite de la perpétration d’un crime ».
En aucun cas, le bienêtre des victimes n’est pris en compte lors de la décision du ou de la juge. C’est plutôt l’intérêt de la personne contrevenante. Il s’agit donc de justice dite punitive, mais bien évidemment moins punitive qu’une sentence d’incarcération.
Lorsque les délais de 1 ou de 3 ans sont passés, des traces restent au Plumitif (SOQUIJ, 2012). C’est donc un peu dérangeant lorsqu’on est en recherche d’emploi.
Une procédure simple, efficace et gratuite existe à ce sujet. Un formulaire nommé « Demande de non-communication de renseignements contenus aux registres et relevés informatisés en matière criminelle (SJ-788) » doit être rempli et déposé dans à la cour de justice appropriée. À noter que certaines cours municipales ont leur propre formulaire (Cour municipale de Québec, 2023).
L’équipe AJ est là pour aider à remplir ledit formulaire. C’est possible de nous contacter en cliquant ici.
Une absolution peut sembler être une « sentence bonbon » distribuée à tout vent comme à Halloween. On se doute rendu ici que ce n’est pas tout à fait le cas.
En effet, une absolution – qu’elle soit avec ou sans condition – se donne généralement aux personnes ayant commis leur première infraction ET de moindre gravité. Dans ces cas, l’absolution permettra à la personne d’avoir des conséquences moins néfastes et moins à long terme sur sa vie, notamment pour sa carrière professionnelle.
Bien évidemment, il existe des exceptions. Mais justement, dans des cas…exceptionnels dans « l’intérêt véritable de l’accusé » et de ne pas « choquer la population et de lui faire perdre la confiance dans le système judiciaire » (Jurigo, 2023). Même si ces concepts sont assez flous juridiquement parlant, un(e) juge doit prendre en considération ces éléments dans sa décision. Loin de la distribution de bonbons hein!
Un casier judiciaire peut diminuer les chances d’obtenir un emploi, selon le type d’infractions et le temps passé depuis celles-ci (Éducaloi, 2023).
Plusieurs compagnies vont demander de facto, en entrevue ou sur un formulaire de préembauche, si une personne a des antécédents judiciaires ou si elle a déjà été condamnée. Il peut être victimisant pour la personne de répondre à cette question en plus de dissuader une personne de postuler (CCCJA et ASRSQ, 2020).
La question « dois-je mentir ou dire que j’ai des antécédents? » est épineuse et il n’y a pas de réponse toute faite. Par contre, mentir en entrevue sur sa situation est une cause suffisante de renvoi (CCCJA et ASRSQ, 2020). Il faut donc faire un choix éclairé dans sa prise de décision.
Les conséquences qui s’appliquent pour l’emploi le sont aussi pour le bénévolat.
Dès qu’on parle de bénévolat dans un organisme sans but lucratif (OSBL) et dans le milieu communautaire, des vérifications des antécédents judiciaires sont faites, et ce, même s’il n’est obligatoire de le faire.
Par contre, lorsqu’il est question de bénévolat est auprès de personnes vulnérables (Éducaloi, 2023), c’est une obligation. Il est légalement important de valider si une personne œuvrant auprès d’enfants en bas âge n’a pas été reconnue coupable d’agression sexuelle sur enfant (Sureté du Québec, 2023). Une absolution pour des infractions criminelles peut donc empêcher une personne de réaliser un rêve.
Une conséquence moins connue est la difficulté d’avoir des assurances avec des antécédents judiciaires. En effet, les compagnies d’assurance peuvent rechigner à assurer une personne ou toutes personnes vivant sous le même toit (CCCJA et ASRSQ, 2020).
Puisqu’une absolution est une condamnation, il faut le mentionner si demandé lors de la prise d’assurances. En cas de mensonge, l’assureur peut ne pas indemniser la personne et même résilier la police d’assurance (CCCJA et ASRSQ, 2020).
La raison évoquée par les compagnies d’assurance est qu’un casier judiciaire est un facteur de risque trop grand pour être couvert. Par contre, aucun des calculs actuariels qui pourraient exister en ce sens n’est disponible pour vérifier leur validité.
Finalement, une conséquence souvent méconnue d’avoir un casier judiciaire – même temporaire – est d’avoir des difficultés à voyager dans certains pays.
Pour la plupart des endroits dans le monde, cela ne semble pas être très problématique. Cependant, pour nos voisins du sud (voir ici les États-Unis), une vérification des antécédents judiciaires est assez régulièrement faite par les agent(e)s frontaliers.
Une personne dont les antécédents sont vérifiés et qui a un casier judiciaire peut vivre ces situations (Gouvernement du Canada, 2023) :
- Passer aux douanes sans problème, mais ses informations sont fichées à vie;
- Être refusée aux douanes et on lui demande de faire une demande de Waiver;
- Être refusée de passage et être placée en garde à vue (incarcérée).
Il faut donc bien réfléchir aux conséquences possibles avant de planifier un voyage en famille aux États-Unis, et à la possibilité d’attendre de rendre confidentielle l’information de l’absolution.
Crédit image : Billion Photos, eyewave, Francis Black, Katarzyna Bialasiewicz, ginew, ShotPrime et cjrfoto
Références
Dictionnaire Usito (2023), Université de Sherbrooke, Absolution – définition, en ligne : https://usito.usherbrooke.ca/d%C3%A9finitions/absolution
Gendarmerie royale du Canada (2022), Gouvernement du Canada, Gestion de votre casier judiciaire, en ligne : https://www.rcmp-grc.gc.ca/fr/gestion-votre-casier-judiciaire
Éducaloi (2020), Éducaloi, Qu’est-ce qu’une absolution conditionnelle?, en ligne : https://educaloi.qc.ca/actualites-juridiques/quest-ce-quune-absolution-conditionnelle/
Marc-André Dagenais (2012), Société québécoise d’information juridique, Comment faire disparaître un dossier criminel du Plumitif?, en ligne : https://blogue.soquij.qc.ca/2012/01/11/comment-faire-disparaitre-un-dossier-criminel-du-plumitif/
Divers ministres de la justice (2018) Secrétariat des conférences intergouvernementales canadiennes, Principes et lignes directrices relatifs à la pratique de la justice réparatrice en matière pénale, en ligne : https://scics.ca/fr/product-produit/principes-et-lignes-directrices-relatifs-a-la-pratique-de-la-justice-reparatrice-en-matiere-penale/
Gouvernement du Canada (2021), Gouvernement du Canada, La justice réparatrice, en ligne : https://www.justice.gc.ca/fra/jp-cj/jr-rj/index.html
Cour municipale de Québec (2023), Ville de Québec, Non-communication de votre dossier, en ligne : https://www.ville.quebec.qc.ca/citoyens/cour_municipale/demandede/non_communication.aspx
Jurigo (2023), Absolution conditionnelle en matière d’agression – Ce qu’il faut savoir!, en ligne : https://jurigo.ca/absolution-conditionnelle-agression/#:~:text=Dans%20certains%20cas%2C%20cependant%2C%20le,cons%C3%A9quences%20d’un%20casier%20judiciaire!
Éducaloi (2023), Éducaloi, Conséquences d’un casier judiciaire, en ligne : https://educaloi.qc.ca/capsules/consequences-dun-casier-judiciaire/#:~:text=Emploi%20%3A%20un%20casier%20judiciaire%20peut,lien%20avec%20l’emploi%20ou
Les impacts du casier judiciaire (2020), Comité consultatif clientèle judiciarisée adulte et Association des services de réhabilitation sociale du Québec, Dévoiler ou dissimuler son casier judiciaire, en ligne : https://www.casierjudiciaire.ca/casier-judiciaire-impacts/recherche-emploi/devoiler-dissimuler-casier-judiciaire/
Les impacts du casier judiciaire (2020), Comité consultatif clientèle judiciarisée adulte et Association des services de réhabilitation sociale du Québec, Recherche d’emploi, en ligne : https://www.casierjudiciaire.ca/casier-judiciaire-impacts/recherche-emploi/recherche-emploi-suspension-casier-judiciaire/
Éducaloi (2023), Éducaloi, OSBL : Gestion des bénévoles, en ligne : https://educaloi.qc.ca/capsules/osbl-benevoles-bonnes-pratiques/
Sureté du Québec (2023), Ministère de la Sécurité publique, Vérification du casier et des antécédents judiciaire, en ligne : https://www.sq.gouv.qc.ca/services/services-en-ligne/verification-casier-antecedents-judiciaires/
Les impacts du casier judiciaire (2020), Comité consultatif clientèle judiciarisée adulte et Association des services de réhabilitation sociale du Québec, Assurances, en ligne : https://www.casierjudiciaire.ca/casier-judiciaire-impacts/assurances/assurances-suspension-casier-judiciaire-informations-generales/
Voyage (2023), Gouvernement du Canada, Conseils aux voyageurs pour les États-Unis, en ligne : https://voyage.gc.ca/destinations/etats-unis
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