Surpopulation carcérale – Un phénomène récurrent

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Dernière mise à jour :
9 juillet 2021

Un phénomène récurrent

Un problème souvent dénoncé

Bien que fréquemment rapporté dans les médias ces dernières années, le problème de surpopulation carcérale au Québec n’est pas un phénomène nouveau.  Au cours des 28 dernières années, le Protecteur du citoyen a fait mention du problème à 23 reprises.

Mentions du problème de surpopulation carcérale dans les rapports annuels du Protecteur du citoyen
1988-1989OUI2002-2003OUI
1989-1990OUI2003-2004OUI
1990-1991OUI2004-2005OUI
1991-1992OUI2005-2006OUI
1992-1993OUI2006-2007OUI
1993-19942007-2008OUI
1994-1995n.d.2008-2009OUI
1995-1996OUI2009-2010OUI
1996-1997OUI2010-2011OUI
1997-1998OUI2011-2012OUI
1998-19992012-2013OUI
1999-20002013-2014OUI
raport spécial 1999OUI2014-2015OUI
2000-20012015-2016OUI
2001-2002  
   

L’ajout de nouvelles places n’a jamais donné les résultats escomptés

Dénoncée depuis 1989 par le Protecteur du citoyen, la surpopulation demeure malgré une augmentation de plus de 1 000 places dans le réseau correctionnel québécois.

Au fil des ans, la capacité carcérale n’a cessé d’augmenter.  Bien que le gouvernement du Québec ait fermé six établissements carcéraux en 1996-1997, cette perte de 916 places ne s’est traduite en réalité que par une baisse de 103 places, en raison de l’augmentation de la capacité d’autres prisons existantes.

En 2008, le gouvernement du Québec annonçait la construction de quatre nouvelles prisons et la réouverture de l’établissement de Percé, permettant ainsi l’ajout de 338 nouvelles places dans le réseau correctionnel québécois.  D’ici là, le gouvernement annonçait que 324 places seraient ajoutées rapidement dans le réseau par le biais de bâtiments modulaires temporaires (BMT).  L’objectif des BMT était de régler le problème de surpopulation carcérale « d’ici un an », en attendant que les nouvelles prisons soient construites.

En 2010-2011, l’établissement de Valleyfield (55 places) a été fermé (le 1er juillet 2010 et l’établissement de Percé (46 places) a ouvert ses portes au mois de mai 2010. 

Aujourd’hui, on compte au moins 500 places de plus qu’à l’époque où l’annonce des places « temporaires » et la construction de nouvelles prisons a été faite, soit en février 2008.  Le problème de surpopulation carcérale est toujours présent.  Pire encore : le gouvernement du Québec prévoit qu’il manquera 1 884 places d’ici 2020 en raison de l’impact de la Loi sur la sécurité des rues et des communautés (C-10) qui est récemment entrée en vigueur.[1]

Évolution de la capacité carcéral au Québec depuis 10 ans
AnnéeCapacité carcéralePopulation moyenne quotidienne présenteTaux d’occupation
TotaleOppér.
2002-033 925n.d.3 717n.d.
2003-044 2743 7613 75799.9 %
2004-054 3033 7863 890102.7 %
2005-064 2913 7763 946104.5 %
2006-074 3043 7874 192110.7 %
2007-084 2463 7384 438118.7 %
2008-094 3033 8574 486116.3 %
2009-104 6814 1184 584111.3 %
2010-114 8194 2394 588108.2 %
2011-124 8004 2224 671110.6 %
2012-134 7604 1865 031120.2%
Source : Ministère de la Sécurité publique du Québec.  Statistiques correctionnelles.
Évolution du nombre de place en détention

L’exemple de la prison d’Amos :

  • Dans son rapport 1991-92, le Protecteur du citoyen écrivait : « au Centre de détention d’Amos, le problème de surpopulation qui durait depuis plusieurs années devrait être solutionné en grande partie avec l’aménagement d’une nouvelle unité d’hébergement »  (p.111). 
  • Pourtant, en 2004-05, le Protecteur du citoyen dénonçait à nouveau le problème de surpopulation carcérale à Amos : « Il y a toujours surpopulation chronique dans plusieurs établissements.  Au centre de détention d’Amos, des cellules prévues pour deux occupants ont dû être habitées par trois personnes, la dernière devant dormir par terre sur un matelas de fortune » (p. 42).
  • En 2008, le ministre de la Sécurité publique annonçait que 36 places supplémentaires seraient créées à la prison d’Amos, par l’ajout des bâtiments modulaires temporaires.
  • Au 31 mars 2009, on comptait 116 personnes incarcérées à la prison d’Amos, sur une capacité opérationnelle de 82 places, soit un taux d’occupation de 141,5%.
  • Le 26 mars 2010, on apprenait que 125 personnes étaient incarcérées à la prison d’Amos.[2]  La capacité totale de l’établissement était alors de 122 places et sa capacité opérationnelle, de 107 places.[3]  La surpopulation carcérale s’élevait alors à 116,8%.

Perspectives inquiétantes

En octobre 2013, le ministère de la Sécurité publique du Québec a mis en ligne sur son site Internet une «Analyse prospective de la population carcérale des établissements de détention du Québec de 2010-2011 à 2020-2021». Ce document est loin d’être rassurant.

Non seulement celui-ci confirme ce que nous disions en 2007, à savoir que l’ajout de nouvelles places en détention ne réglerait pas le problème de surpopulation, mais il démontre que malgré cela, il risque de manquer jusqu’à 1884 places dans le réseau d’ici 2020 en raison des récents changements législatifs du gouvernement fédéral. 1884 places, c’est plus de 110 millions de dollars de plus par années en frais d’incarcération qu’il faudra ajouter au budget du Québec.

Quelques extraits :

« Les établissements de détention du Québec ne seront pas en mesure d’héberger toutes les personnes que les tribunaux leur confient, et ce, malgré l’ajout et l’agrandissement de quatre établissements. La fermeture des bâtiments modulaires temporaires en 2018-2019 aurait un effet majeur sur le besoin de places »

« L’entrée en vigueur des articles de la Loi sur la sécurité des rues et des communautés, restreignant l’octroi des sursis, pourrait avoir un impact dévastateur sur la capacité des établissements à détenir toutes les personnes qui devront être incarcérées au cours des dix prochaines années »

« La présente analyse prospective soulève le besoin d’une réflexion, voire d’une révision, non seulement du cadre de planification des infrastructures carcérales, mais aussi du recours aux mesures correctionnelles et, dans la mesure du possible, aux mesures sentencielles »

Source : Ministère de la Sécurité publique.  Analyse prospective de la population carcérale des établissements de détention du Québec de 2010-2011 à 2020-2021 Mise à jour de l’analyse prospective 2009-2010 à 2019-2020, Gouvernement du Québec, 2013`. >>>

Sources :

[1] La Presse, 21 mars 2013.  &  Ministère de la Sécurité publique.  Analyse prospective de la population carcérale des établissements de détention du Québec de 2010-2011 à 2020-2021 Mise à jour de l’analyse prospective 2009-2010 à 2019-2020, Gouvernement du Québec, 2013`. >>>

[2] L’Écho Abitibien, 26 mars 2010.

[3] 3. Ministère de la Sécurité publique du Québec.  Statistiques correctionnelles 2009-2010.

Photo : Alouette Correctional Centre – British Columbia (Flickr)

Mise en ligne :novembre 2005 © Alter Justice

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