Droits des personnes inculpées et droits des victimes

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Dernière mise à jour :
9 juillet 2021

Par Ariane Gagnon-Rocque

En 1982, la Charte canadienne des droits et libertés a été adoptée. Depuis, à moins de situations d’exception, tous les actes gouvernementaux fédéraux et provinciaux doivent respecter ses prescriptions[1]. Une partie de celles-ci vise spécifiquement les garanties juridiques auxquelles l’État doit se conformer lorsqu’il interagit avec le citoyen en matière pénale. Ainsi, certains articles régissent les droits des individus dans le cadre de l’enquête[2] tandis que d’autres prévoient les droits dont bénéficient les individus détenus ou mis en état d’arrestation[3].

Les droits des individus inculpés

L’article 11 de la Charte canadienne, quant à lui, octroie certains droits aux individus qui sont inculpés. Une personne est considérée comme « inculpée », aux fins de cet article lorsque, selon la Cour suprême du Canada, « une dénonciation relative à l’infraction qu’on lui reproche est déposée ou quand un acte d’accusation est présenté directement sans dénonciation.»[4] Ceci signifie donc que toute personne formellement accusée d’une infraction, que celle-ci soit de nature criminelle ou pénale, fédérale ou provinciale, bénéficie des droits que l’on retrouve à l’article 11 de la Charte. Ces droits sont nombreux et variés. D’ailleurs, c’est à cet article qu’ont été codifiés certains des principes fondamentaux de notre système pénal.

Ainsi, le paragraphe 11d) consacre le principe primordial de la présomption d’innocence et, par le fait même, la nécessité que la culpabilité de l’accusé soit établie hors de tout doute raisonnable. Sur l’importance de ces principes, la Cour suprême du Canada s’exprimait ainsi :

« Si la présomption d’innocence est le fil d’or de la justice pénale, alors la preuve hors de tout doute raisonnable en est le fil d’argent, et ces deux fils sont pour toujours entrelacés pour former la trame du droit pénal. »[5]

Le paragraphe 11d) garantit également le droit de chacun à un procès public et équitable présidé par un tribunal indépendant et impartial. Quant à lui, le paragraphe 11c) prévoit qu’un inculpé ne peut jamais être contraint de témoigner contre lui-même à son procès : ainsi, le procureur de la Couronne ne peut en aucun temps obliger l’accusé à se faire entendre. Le paragraphe 11f) prévoit le droit, dans le cadre de certaines limites, pour un inculpé d’avoir un procès devant jury[6] tandis que le paragraphe 11i) lui permet, s’il est reconnu coupable, de bénéficier de la peine la moins sévère, lorsque celle-ci a été modifiée entre le moment de la perpétration de l’infraction et celui de la sentence[7].

Les droits des victimes

Les victimes ne possèdent aucun droit constitutionnel particulier à leur statut. Par contre, en 1988, l’Assemblée nationale a adopté la Loi sur l’aide aux victimes d’actes criminels[8], laquelle octroie, entre autres, certains droits aux victimes d’actes criminels[9]. Soulignons toutefois que ceux-ci céderont normalement le pas aux prescriptions de la Charte ainsi qu’à celles du Code criminel, le cas échéant.

Cette loi prévoit d’abord que la victime « a droit d’être traitée avec courtoisie, équité, compréhension et dans le respect de sa dignité et de sa vie privée »[10]. De surcroît, bien qu’elle ne soit pas partie aux procédures judiciaires, la LAVAC prévoit que la victime a droit à ce que ses points de vue et ses préoccupations [soient] présentés et examinés aux phases appropriées de toute procédure judiciaire »[11] et à être informée de l’état et de l’issue de l’enquête policière[12] ainsi que « de son rôle dans le cadre du processus pénal, de sa participation dans la procédure judiciaire et, lorsqu’elle en fait la demande, de l’état et de l’issue de celle-ci »[13].

En outre, au niveau matériel, l’article 3 de la Loi sur l’aide aux victimes d’actes criminels octroie le droit aux victimes d’être indemnisées pour les frais encourus pour témoigner et le préjudice subi ainsi que d’obtenir restitution de leurs biens saisis dans le cadre de l’enquête policière.

Texte paru dans Le Bulletin – Printemps 2012

Sources :

[1] Charte canadienne, art. 32.

[2] L’article 8 de la Charte prévoit le droit de chacun d’être protégé des fouilles, perquisitions ou saisies abusives, tandis que l’article 9 vise plutôt la détention et l’emprisonnement arbitraire.

[3] L’article 10 de la Charte comprend, entre autres, le droit d’avoir recours sans délai à l’assistance d’un avocat.

[4] R. c. Kalanj, [1989] 1 R.C.S. 1594, par.16

[5] R. c. Lifchus, [1997] 3 R.C.S. 320, par.27

[6] Cependant, il ne doit pas s’agir d’une infraction relevant de la justice militaire et celle-ci doit être passible, à tout le moins, d’une peine maximale de cinq (5) ans.

[7] Soulignons que l’article 11 de la Charte accorde également d’autres droits aux inculpés dont celui de ne pas être privé sans juste cause d’une mise en liberté assortie d’un cautionnement raisonnable (11e).

[8] L.R.Q., c. A-13.2 (ci-après « LAVAC »)

[9] La victime d’acte criminel est définie comme : « toute personne physique qui, à l’occasion d’un acte criminel commis au Québec, subit une atteinte à son intégrité physique ou psychologique ou une perte matérielle, que l’auteur de cet acte criminel soit ou non identifié, arrêté, poursuivi ou reconnu coupable. Sont également considérées comme des victimes ses proches et ses personnes à charge. » (Voir l’art. 1 LAVAC)

[10] Art. 2 LAVAC.

[11] Art. 3(4) LAVAC.

[12] Art. 5 LAVAC. Ce droit comporte toutefois certaines limites. En effet, l’article 5 prévoit que cette information sera donnée à la victime « dans la mesure du possible et compte tenu de l’intérêt public ».

[13] Art. 4(2) LAVAC.

Mise en ligne : juin 2012 © Alter Justice

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