La reconnaissance faciale

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Dernière mise à jour :
1 décembre 2021

Portrait des risques juridiques et sociaux

Par Michelle Albert-Rochette

Crédit image : Tumisu

La reconnaissance faciale connaît une utilisation croissante dans les services policiers. Bien que cette technologie présente des avantages pour la sécurité publique, elle pose aussi des risques juridiques et sociaux.

Cette pratique semble aussi élargir les pouvoirs d’arrestation sans mandat des policiers au Canada, prévus à l’art. 495 du Code criminel (C. cr.). Par exemple, selon le par. 495(1)a C. cr., un agent de la paix peut arrêter une personne s’il a des motifs raisonnables de penser qu’elle a commis ou qu’elle est sur le point de commettre un acte criminel.

Ce pouvoir d’arrestation est fortement limité par les exceptions du par. 495(2), mais il s’agit simplement ici de montrer que des policiers ne peuvent pas arrêter un individu arbitrairement ou sur la base d’une simple intuition.

Avec la reconnaissance faciale, il semble qu’un résultat positif par le système puisse tenir lieu de motif raisonnable justifiant une arrestation, et ce même en l’absence de comportement suspect.

Par ailleurs, le taux d’erreur des technologies de reconnaissance faciale est plus élevé pour la détection de femmes et de personnes à la peau noire que pour la détection d’hommes et de personnes à la peau blanche, ce qui contribue à la discrimination systémique et au profilage racial (Castets-Renard, 2020).

Partenariats risqués
Des personnes dont le visage ne se trouvait pas dans des banques de données gouvernementales ont pu être arrêtées grâce à l’utilisation de la base de données de l’entreprise Clearview AI, constituée à partir de 3 milliards de photos tirées des réseaux sociaux (Rowe, 2020) et à laquelle les services policiers n’auraient normalement pas eu accès.

En ayant recours aux applications d’entreprises privées, qui ne respectent pas nécessairement les lois du pays et qui ne sont pas soumises aux mêmes exigences que les pouvoirs publics, les services de police risquent de porter atteinte aux droits des individus.

Droit à une seconde chance
La reconnaissance faciale séduit aussi les commerces, qui l’utilisent pour repérer des malfaiteurs dès leur entrée en magasin (Forget, 2019).

La banque de données du système Facewatch, par exemple, est construite à partir des images que les usagers y ajoutent. Si le propriétaire d’un commerce enregistre la photo d’une personne indésirable, cette dernière sera repérée par le système Facewatch des autres entreprises clientes (Forget, 2019).

Ce type d’application est associé à une baisse de la criminalité, mais constitue en quelque sorte l’imposition d’une double peine et nuit à la réinsertion sociale par le repérage continu et immédiat des personnes ayant déjà fait face à la justice et dont les photos se trouveraient encore dans la base de données.

Dès lors, comment espérer une réintégration harmonieuse dans une communauté?

La reconnaissance faciale permet « le passage d’une surveillance ciblée de certains individus à la possibilité d’une surveillance de tous aux fins d’en identifier certains. » (CNIL, 2019). Ce changement de paradigme n’est pas à négliger.


Références

CASTETS-RENARD, Céline (2020), Cadre juridique applicable à l’utilisation de la reconnaissance faciale par les forces de police dans l’espace public au Québec et au Canada – Éléments de comparaison avec les États-Unis et l’Europe, [en ligne], consulté le 25 septembre 2021, disponible au : https://observatoire-ia.ulaval.ca/rapport-reconnaissance-faciale/

COMMISSION DE L’ÉTHIQUE EN SCIENCE ET EN TECHNOLOGIE – VOLET JEUNESSE (2020), Les enjeux éthiques soulevés par la reconnaissance faciale, [en ligne], consulté le 25 septembre 2021, disponible au : https://www.ethique.gouv.qc.ca/fr/publications/reconnaissance-faciale/

Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés, Reconnaissance faciale – Pour un débat à la hauteur des enjeux (2019), [en ligne], consulté le 25 septembre 2021, disponible au : https://www.cnil.fr/fr/reconnaissance-faciale-pour-un-debat-la-hauteur-des-enjeux

FORGET, Dominique (2019), Et si votre visage était fiché à votre insu?, [en ligne], consulté le 25 septembre 2021, disponible au : https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1409828/facial-reconnaissance-decouverte-londres-crime-liberte.

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