Unité 9 – Les visites en détention

daniel
Dernière mise à jour :
21 juillet 2021

Avec la collaboration de Relais Famille

Les visites dans les établissements de détention et les pénitenciers sont réglementées et régies par des principes stricts.  Pour éviter de se voir refuser l’accès parce qu’on ne répond pas à l’une ou l’autre des exigences pour visiter un proche, il importe de bien se renseigner avant la première visite.  Voici un petit aperçu des visites en détention, des règles et des problèmes rencontrés.

Les types de visite

Les visites contacts où la personne détenue et son visiteur sont dans la même pièce et peuvent avoir des contacts physiques (dans la limite des règles en vigueur).

Les visites avec séparation (ou visite sécuritaire) sont celles où le détenu est séparé de son visiteur par une vitre ou un grillage.  Ce genre de visite est imposé lorsque la personne incarcérée n’a pas terminé la procédure d’évaluation, qu’il y a des restrictions disciplinaires pour le détenu ou son visiteur, qu’il n’y a pas encore eu d’autorisation pour une visite contact ou qu’il est nécessaire de protéger les autres prisonniers du détenu visité.

Les visites spéciales et les activités sociales (ou visites communautaires) ne sont accordées que dans de rares exceptions, après une demande du détenu et pour les membres de la famille seulement.  La famille peut parfois participer à des activités sociales avec le détenu (lors de la fête des pères, des mères ou de Noël par exemple).  Les visites communautaires ont lieu généralement dans le gymnase, laissant peu de place à l’intimité.  Tous n’y ont pas accès.

Finalement, les visites familiales privées (VFP) sont autorisées seulement pour les couples et les familles au fédéral et pour  les mères et leurs enfants à la prison pour femme Tanguay.   Il est obligatoire d’en faire la demande et d’en obtenir l’autorisation.  Chaque établissement fédéral est équipé de maisons ou de roulottes pour que les familles puissent passer deux ou trois jours ensemble.  Ces visites sont très réglementées et ne peuvent avoir lieu que si le comportement de la personne détenue est exemplaire.  Il est important de bien s’informer avant de participer à une VFP afin d’en connaître le fonctionnement exact. Les VFP à la prison Tanguay sont encadrées par l’organisme à but non lucratif CFAD.

Différence entre les pénitenciers et les prisons

Au provincial (Québec), il n’existe aucune disposition dans la loi concernant le type de visite.  En conséquence, la visite de type contact relève plus du privilège que d’un droit.  À titre d’exemple, les hommes incarcérés à l’Établissement de détention de Québec n’ont accès à aucune visite contact.  Pour les femmes, une visite contact est permise après trois visites sécuritaires.

Au fédéral, le règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (RSCMLC) précise que la personne incarcérée doit avoir la possibilité de recevoir des visiteurs dans un endroit exempt de séparation qui empêche les contacts physiques, à moins qu’il existe des motifs de sécurité ou aucune autre solution moins restrictive justifiant la séparation.  La visite sécuritaire sera donc imposée lorsque la personne incarcérée n’a pas terminé la procédure d’évaluation, qu’il y a des restrictions disciplinaires pour le détenu ou son visiteur, qu’il n’y a pas encore eu d’autorisation pour une visite contact ou qu’il est nécessaire de protéger les autres prisonniers du détenu visité.

Qui peut visiter une personne en détention ?

Au provincial (Québec) :

La personne incarcérée peut recevoir la visite de :

  • son conjoint de droit ou de fait ;
  • sa mère, son père, ses enfants, ses frères et sœurs ;
  • son avocat ;
  • son tuteur, curateur ou mandataire tel que désigné par le jugement ayant donnée ouverture au régime de protection ou le mandat d’inaptitude homologué par le tribunal.

La personne incarcérée peut aussi, si elle y est autorisée par le directeur de l’établissement, recevoir la visite d’une autre personne que celles mentionnées ci-haut lorsque la visite est nécessaire.  On peut juger nécessaire une visite pour régler une affaire urgente, pour un motif social ou familial ou pour faciliter la réinsertion sociale du détenu.

Malheureusement, même si la loi le permet, cette disposition fait figure d’exception et est peu appliquée (voir plus bas).

Les personnes suivantes sont aussi autorisées à visiter une personne incarcérée ou un établissement de détention :

  • Le Curateur public ou sous représentant ;
  • Le consul ou l’ambassadeur d’un pays étranger dans le cas d’un ressortissant ;
  • Un employé ou un membre de la Commission québécoise des libérations conditionnelles ;
  • Un agent de la paix, de probation, de libération conditionnelle ou de l’immigration dans l’exercice de ses fonctions ;
  • Le ministre ou le sous-ministre de la Sécurité publique, un fonctionnaire du Protecteur du citoyen ou de la Commission des droits de la personne.

Bien que la loi reconnaisse le droit à la visite, il s’agit plutôt d’un « droit fantôme », puisque le droit de visite peut être refusé.  La visite d’une personne (même les personnes autorisées par la loi) peut être refusée dans les cas suivants :

  • Une ordonnance du tribunal ou d’une autre autorité administrative interdit le contact entre la personne incarcérée et le visiteur (même si l’interdiction prend effet à la libération) ;
  • Le visiteur refuse ou a refusé dans le passé de se soumettre aux règles de l’établissement ;
  • Il y a des motifs raisonnables de croire que le visiteur pourra porter atteinte à la sécurité de l’établissement et des personnes qui s’y trouvent, avoir un impact négatif sur la réinsertion sociale ou encore, que le but de la visite soit relié à la préparation ou à la commission d’une infraction ;
  • Si la personne incarcérée fait l’objet d’une mesure disciplinaire de confinement ou de réclusion ou d’isolement préventif ;
  • Une situation d’urgence rend l’accès à l’établissement de détention impossible.

Au fédéral.

Nous n’avons rien relevé dans la loi et les directives qui précise qui peut rendre visite à une personne incarcérée.

Quelles sont les règles à suivre avant et pendant une visite ?

Dès l’arrivée en détention, le détenu remplira un formulaire sur lequel seront inscrits les noms, adresses, numéros de téléphone, dates de naissance et liens de parenté de chaque personne dont le détenu accepte la visite.

Afin de savoir l’horaire des visites, le visiteur doit s’informer auprès de l’établissement de détention ou directement au détenu.  L’horaire en vigueur diffère dans chaque établissement.  Certains endroits exigent que les visiteurs téléphonent à l’avance pour s’assurer de la disponibilité d’un espace pour les visites.

Chaque visiteur doit prouver son identité à l’aide d’une pièce d’identité avec photo.

Il est très important de s’informer de la liste des « objets interdits » avant une visite afin de ne pas se voir refuser l’entrée de certains biens.  Habituellement, les visiteurs peuvent avoir de la monnaie en leur possession pour acheter des articles dans les distributeurs automatiques (8$ par personne pour un maximum de 20$ par famille).  Si la visite se fait avec un enfant en bas âge, il est possible d’apporter des couches, des aliments pour bébé, des débarbouillettes et des vêtements de rechange pour l’enfant.  Les autres objets autorisés dépendent du niveau de sécurité de l’établissement.  À l’arrivée, il est important de déclarer tous les objets que le visiteur a en sa possession ou veut remettre au détenu.  Si certains objets ne peuvent être apportés dans la salle des visites, ils seront déposés dans un compartiment verrouillé à l’entrée de l’établissement.  Si le visiteur passe l’entrée sans déclarer un objet, celui-ci pourrait être considéré comme un objet interdit et les droits de visite pourraient être suspendus pour cette raison.

Fouille des visiteurs

Toute personne qui entre dans un établissement de détention est sujette à la fouille.  La fouille à nu des visiteurs est-elle possible?  Oui.  Mais heureusement, certains droits viennent encadrer les fouilles.  Les visiteurs ont le droit de refuser d’être fouillés à nu.  Cependant, un tel refus peut faire en sorte qu’on leur refuse l’entrée.  Le visiteur se retrouve donc devant un chois difficile : accepter d’être fouillé à nu ou se priver de voir un proche.  Pour plus de détails, voir la fiche d’information sur les fouilles.

Plusieurs problèmes

Nous pouvons relever certaines lacunes en matière de visites.

Manque d’intimité et durée écourtée

Dans le cadre d’une recherche effectuée par des étudiants en sociologie de l’Université Laval pour le compte de l’organisme, les personnes ayant vécu la détention ont fait part de certains problèmes en matière de visites.

Bien que la durée des visites soit généralement d’une heure, les nombreuses procédures administratives et sécuritaires ont souvent pour effet d’écourter les visites.  Une situation particulièrement frustrante pour les familles qui doivent faire plusieurs heures de route pour visiter un proche incarcérée (ou souvent transféré) loin de son milieu d’origine.  Dans le cadre de l’étude, une personne a même fait mention d’une visite avec sa fille dont la durée a été réduite à 20 minutes seulement.

Un autre a fait état des conditions dans lesquels se déroulent les visites sécuritaires : « Tu es pris avec tous les autres gars dans un couloir.  Tu es obligé de crier dans le petit trou si tu veux que tes visiteurs t’entendent. » La menace des coupures de visites par certains agents de même que l’attitude de certains envers les visiteurs a également été dénoncée.

Plusieurs ont proposé comme solution de mettre en place un système de combiné téléphonique (comme l’on voit souvent dans certains films) pour permettre de parler aux visiteurs sans devoir crier.  C’est là une option que nous trouvons intéressante.

Non-application du droit de visite pour les personnes autres que la famille immédiate

Même si la loi leur permet, les directeurs de prison sont plutôt retissant à reconnaître toute personne qui n’entre pas dans la catégorie des « proches ».    Cette situation a d’ailleurs été dénoncée en 2008 par le Protecteur du citoyen. 

 « La possibilité prévue par règlement d’admettre comme visiteur une personne qui n’est pas membre de la famille immédiate de la personne incarcérée a été ignorée et des visites ont été refusées au motif que la personne incarcérée avait déjà des membres de sa famille inscrits sur sa liste de visiteurs.  Dans d’autres cas, on refusait d’étudier l’inscription de l’amie d’un citoyen sur la liste des visiteurs, au seul motif que ce citoyen avait préalablement échoué à démontrer que celles-ci était sa conjointe au sens légal du terme.

Enfin, des agents refusaient d’inscrire le visiteur qu’une citoyenne souhaitait inscrire  comme conjoint parce qu’elle n’avait pu démontrer, preuve à l’appui, une cohabitation de plus d’un an avec celui-ci.  Le fait qu’ils soient père et mère de deux enfants aurait dû permettre un examen de la demande sous un autre angle et n’eût été l’intervention du Protecteur du citoyen, ces visites auraient été refusées. »

Source : Protecteur du citoyen, Rapport annuel 2007-2008, p. 110.

Cette situation entraine des conséquences multiples :

Famille reconstituée.

La reconnaissance comme enfant est souvent difficile dans les cas de familles reconstituées.  Les enfants nés d’une union précédente sont plus difficilement reconnus.  Nous pouvons donner pour exemple le cas réel d’une femme qui désirait rendre visite à son conjoint incarcéré et à qui l’on avait refusé la visite d’un de ses deux enfants, sous prétexte que la personne incarcérée n’était pas le père de cet enfant.  Pourtant, la personne incarcérée tenait lieu de père depuis plusieurs années.

La reconnaissance des conjoints, tout un défi.

En prison, le fait d’être marié simplifie grandement la reconnaissance du conjoint.  Mais pour les couples vivant en union libre, c’est une tout autre histoire, particulièrement pour les couples qui ne vivent pas sous le même toit ou dont la durée de cohabitation est inférieure à un an.

Amis proches, famille éloignée

Une personne incarcérée loin de sa famille ou qui n’a pas de famille immédiate a de la difficulté à recevoir des amis comme visiteurs.  Prenons pour exemple fictif un homme originaire de Montréal, déménagé sur la Côte-Nord depuis plusieurs années et qui est incarcéré à Baie-Comeau.  Considérant la distance, il sait que sa famille ne peut se permettre de le visiter souvent.  Il désire donc inscrire un ami proche vivant aussi à Baie-Comeau.  La visite de cet ami est souvent refusée sous le prétexte qu’il n’est pas un proche immédiat, et ce, même si la loi le permettrait.  La situation est encore plus difficile lorsque la personne incarcérée n’a plus de famille.

Au-delà de la visite, cette situation à des effets encore plus dramatiques pour certaines personnes incarcérées.  Une nouvelle directive qui tend à s’implanter dans les prisons du Québec n’autorise que les personnes inscrites sur la liste des visiteurs à venir porter des vêtements et de l’argent à une personne incarcérée.  Ainsi, une personne qui ne peut réussir à inscrire un ami sur une liste de visiteurs en raison de l’éloignement ou de l’absence de proches risque de ne pouvoir faire entrer ni vêtement ni argent durant sa détention.

Visiter ou ne pas visiter, un choix difficile !

Aller visiter un proche en détention peut être à la fois un moment de joie et d’angoisse.  Certaines personnes vivent mieux que d’autres les règles très strictes et le milieu austère des prisons.  Certaines familles ont de nombreux kilomètres à parcourir pour une visite de quelques minutes.  Les visites en détention sont assurément une épreuve qui peut s’avérer difficile pour le visiteur autant que pour le détenu qui y voit souvent son seul lien avec le monde extérieur.

Il importe d’être bien préparé à une visite en détention.  Éviter les attentes irréalistes et adopter une attitude posée et positive permet de ne pas être déçu par la visite.  Il est impossible de reprendre le temps perdu, mais le contact avec une personne aimée permettra d’insuffler du courage et de la force de part et d’autre et d’ainsi aider à traverser l’épreuve de la détention.

Les détenus qui sont soutenus par leur famille ont souvent plus de facilité à réintégrer la société que ceux qui ont été totalement isolés durant leur détention.  Comme dans plusieurs étapes de la vie, le fait d’être entouré aide beaucoup à « passer à travers ».

Il est tout de même important que le visiteur se fixe ses propres limites.  Certains membres de la famille vivent beaucoup de culpabilité de ne pas aller suffisamment visiter leur proche en détention.  Pourtant, il est préférable d’y aller moins souvent, mais de se sentir mieux lors des visites que d’y aller trois fois par semaine si on le vit comme un lourd poids à porter.  Être à l’écoute de ses limites et en discuter avec la personne détenue peut faire toute la différence.  L’emprisonnement est une épreuve à passer, mais il vaut mieux la traverser en couple ou en famille que seul.

Sources :

Liens familiaux en milieu carcéral et impacts sur la réinsertion sociale.  Présenté par : Claude Lemieux et Steve Comeau, étudiants au département de sociologie de l’Université Laval, sous la direction de Andrée Fortin, avril 2009.

Règlement d’application de la Loi sur le système correctionnel du Québec, art.  56 à 61, consulté le 28 septembre 2012.

MINISTÈRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE DU QUÉBEC: Visites, consulté le 18 septembre 2012

SERVICE CORRECTIONNEL CANADA.  Directive du commissaire 559 : Visites, consulté le 28 septembre 2012.

WHITERS, Lloyd, Qui purge la peine? Un guide de survie à l’intention des familles et des amis en visite dans les pénitenciers fédéraux canadiens, 2005, Regroupement canadien d’aide aux familles des détenu(e)s, 62 pages.

Important : les renseignements fournis sont à titre d’information et ne peut être utilisé comme des textes ayant une valeur juridique.  Seuls les textes officiels des Lois et des Règlements ont force de loi.

Mise en ligne : octobre 2012 © Alter Justice

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