L’itinérance, kessé ça?

daniel
Dernière mise à jour :
20 septembre 2024

 

Le mot itinérance est dans l’air du temps. On en parle comme d’un fléau à combattre, sans réellement proposer de solutions ou d’explications sur ce qu’est l’itinérance ni d’aborder les causes qui peuvent mener une personne à vivre dans la rue.

Mais l’itinérance est-elle uniquement la rue, ou existe-il d’autres formes moins connues?

Afin de démystifier ce phénomène, nous vous présentons donc dix (10) vignettes explicatives qui seront publiées une par semaine, d’octobre à décembre 2024.

Bonne lecture!

Campagne de sensibilisation
Automne 2024

Par Sarah Tessier et Emilien Beuzeboc
Stagiaire printemps 2024 et Intervenant

L’itinérance visible se définit par toute personne qui se trouve sans domicile fixe, sécuritaire et permanent. Il est donc possible que ces personnes utilisent des abris qui ne sont pas destinés à l’habitation humaine telles qu’une voiture ou une entrée de porte par exemple.

L’itinérance visible, ce n’est pas juste ça!

Ça touche aussi les individus qui utilisent différentes ressources faute d’avoir un domicile fixe et sécuritaire.  Ces organisations peuvent être une ressource d’hébergement d’urgence, un hôpital ou un centre de thérapie. Ça englobe aussi les ressources d’hébergement pour femmes victimes de violence conjugale. Il semble donc juste d’affirmer que personne n’est à l’abris d’être en situation d’itinérance.


Qu’est-ce que l’itinérance invisible ?

L’itinérance invisible fait référence aux personnes qui vivent temporairement chez des membres de la famille, des ami(e)s, des voisin(e)s. Cette pratique est souvent appelée « couch surfing », soit « passer d’un canapé à l’autre ». Les personnes concernées choisissent cette option, car elles veulent éviter la rue.

L’itinérance invisible ne rentre pas dans les statistiques officielles sur l’itinérance. Il n’y pas de données à grande échelle à ce sujet. Il est donc difficile d’estimer l’ampleur du phénomène.


L’itinérance visible au Québec a été estimée à 10 000 personnes durant la soirée du 11 octobre 2022. Une très grande partie de cette population se situe à Montréal avec 4 690 personnes en situation d’itinérance. On peut aussi remarquer une augmentation inquiétante en Outaouais, avec une augmentation de 268 % entre avril 2018 et octobre 2022.

D’un point de vue général, c’est une augmentation de 44 % de l’itinérance au Québec de 2018 à 2022.


Qui offrent des services pour les personnes en situation d’itinérance ?

Au Québec, plus de 375 organismes offrent des services aux personnes en situation d’itinérance ou à risque de l’être.

En tout temps, des services d’hébergement, de distribution alimentaire et vestimentaire, d’accompagnement vers le logement et de soutien psychosocial sont déployés par les organismes et adaptés au rythme et à la réalité des personnes vulnérables (Centraide, 2024).


Le Juridictionnaire, un dictionnaire juridique en ligne, définit la judiciarisation comme étant la propension à recourir à l’appareil de justice pour régler des problèmes de nature sociale (Canada, 2020). Quand on parle d’appareil de justice, on peut penser aux différentes institutions qui travaillent dans le but d’appliquer la justice tel que la police, les tribunaux et les services correctionnels.  Par exemple, la pauvreté peut être traitée comme si d’être visiblement pauvre était à l’encontre des lois et des règlements (une personne qui dort dans un parc).

Ok, c’est bien beau parler de la judiciarisation, mais concrètement ça ressemble à quoi ?  Un exemple de la judiciarisation serait un constat d’infraction donné à un individu qui se fait surprendre à mendier.

On n’en dit pas plus, parce que la prochaine vignette abordera davantage ce sujet !


La judiciarisation des personnes itinérantes s’inscrit dans le contexte de l’adoption de politiques municipales de luttes aux incivilités dans les années 1990. Ces politiques et ces pratiques s’inspirent d’une théorie étatsunienne, la théorie de la fenêtre brisée (broken window theory) (Wilson et Kelling, 1982). Selon cette théorie, l’absence de réaction sociale et pénale aux petits délits et premiers signes de désordres dans un quartier (par exemple, un carreau brisé) peut constituer une invitation au crime en signalant aux délinquants potentiels que cette communauté ne se préoccupe pas de préserver l’ordre dans les espaces publics et que les crimes seront tolérés, voire acceptés.

Les auteurs n’ont pas démontré qu’il existait une corrélation entre la multiplication des petits délits et l’augmentation des crimes les plus graves. Au contraire, tel que démontré par la situation québécoise et celle d’autres villes nord‐américaines, l’augmentation du nombre d’arrestations et de constats d’infractions émis pour des délits mineurs a eu pour conséquence de criminaliser et de judiciariser des personnes qui n’avaient pas d’antécédents judiciaires.

À moyen terme, l’application de cette théorie a généré un ressentiment parmi certains groupes d’individus qui sont particulièrement visés par ces pratiques et qui font l’objet d’une surveillance accrue, telles les personnes itinérantes, mais également les membres de communautés ethnoculturels qui font l’objet de harcèlement policier (Bernard et McCall, 2009).


Un « constat d’infraction » signifie simplement que la ou le policier, l’agent(e) de stationnement, l’inspecteur ou l’inspectrice d’une société de transport ou toute autre personne autorisée à donner une contravention, prétend que vous avez fait quelque chose d’interdit par la loi et qu’il peut le prouver.

D’ailleurs, c’est ce constat qui sert de point de départ à la poursuite si l’amende n’est payée.


La conséquence concrète d’être déclaré(e) coupable d’une infraction à un règlement municipal, c’est d’avoir une dette monétaire envers le percepteur des amendes de la juridiction où le constat a été délivré. Cette dette, si elle demeure impayée, met à risque de saisie de biens et, dans certains cas, à un risque d’emprisonnement.

L’ampleur et l’évolution de la judiciarisation de l’itinérance à Québec de 2000 à 2022

Au moins 16 368 constats d’infraction ont été émis à des personnes déclarant l’adresse d’un organisme en itinérance dans la Ville de Québec entre 2000 et 2022, et avec l’exception des années 2011 et 2012 pour lesquelles nous ne disposons pas de données.

77 % de ces constats d’infraction (12 663) ont été émis entre le 1er janvier 2013 et le 30 juin 2022.

22 fois plus de constats d’infraction ont été émis en 2021 qu’en 2000, passant de 71 constats en 2000 à 1 577 en 2021.

En 2020, les personnes en situation d’itinérance formaient au minimum 20 % des personnes ayant reçu un constat d’infraction en vertu des règlements municipaux dans la Ville de Québec et en 2021, 15,4 %, ce qui constitue une surreprésentation alarmante.


Quelle sont les services offerts par les ressources ?

 

Les aides apportés par les ressources sont larges voici une liste non exhaustive des différents services proposés.

  • Santé;
  • Consommation et toxicomanie;
  • Soutien psychosocial;
  • Aide alimentaire;
  • Hébergement.

Pour la région de Québec, voici une liste de différents organismes sur le répertoire du RAIIQ.

 

 


Références

Gouvernement du Québec (2023), Ministère de la Santé et des Services sociaux, Dénombrement des personnes en situation d’itinérance visible au Québec – Tout le monde compte : https://publications.msss.gouv.qc.ca/msss/fichiers/2023/23-846-05W.pdf

Rond point de l’itinérance (2023), L’itinérance cachée : https://www.rondpointdelitinerance.ca/itinerance/sans-abri-cach%C3%A9s#:~:text=L’itin%C3%A9rance%20cach%C3%A9e%20fait%20r%C3%A9f%C3%A9rence,ont%20pas%20d’autre%20option

Centraide Québec, Chaudière-Appalaches et Bas-Saint-Laurent (2024), L’itinérance : https://www.centraide-mtl.org/blogue/itinerance/#:~:text=Une%20trentaine%20d’organismes%20communautaires,pour%20en%20att%C3%A9nuer%20les%20effets

Gouvernement du Canada. (2020). La judiciarisation. https://www.noslangues-ourlanguages.gc.ca/fr/juridictionnaire/judiciarisation

Rond point de l’itinérance (2023), La judiciarisation des personnes en situation t’itinérance : https://www.rondpointdelitinerance.ca/ressource/la-judiciarisation-des-personnes-en-situation-d%E2%80%99itin%C3%A9rance-%C3%A0-qu%C3%A9bec-point-de-vue-des#:~:text=Les%20principaux%20auteurs%20de%20cette,autres%20crimes%20encore%20plus%20graves

Éducaloi (s.d.), La contestation d’une contravention : https://educaloi.qc.ca/capsules/la-contestation-dune-contravention/#:~:text=Un%20%C2%AB%20constat%20d’infraction%20%C2%BB,qu’il%20peut%20le%20prouver

Observatoire des profilages (2024), Judiciarisation de l’itinérance à Québec: des constats de plus en plus alarmants : https://www.observatoiredesprofilages.ca/judiciarisation-de-litinerance-a-quebec/#:~:text=En%202020%2C%20les%20personnes%20en,qui%20constitue%20une%20surrepr%C3%A9sentation%20alarmante

Ligue des droits et libertés (s.d.), Droit de manifester – Être déclaré-e coupable : https://droitdemanifester-ldl.uqam.ca/apres/les-consequences-de-la-declaration-de-culpabilite/#:~:text=La%20cons%C3%A9quence%20concr%C3%A8te%20d’%C3%AAtre,%2C%20%C3%A0%20risque%20d’emprisonnement

Regroupement pour l’aide aux itinérants et itinérantes de Québec (s.d.), Répertoire : https://raiiq.org/repertoire/


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