Parents incarcérés : visites et cohabitation
Direction
Dernière mise à jour :
9 juillet 2021
Par Marie Josée Lacombe
Selon les statistiques, le plus haut pourcentage de femmes incarcérées au Québec, tant au provincial qu’au fédéral, est dans le groupe d’âge des 31 à 40 ans. Le plus grand pourcentage des enfants a moins de 18 ans et la majorité de ceux-ci est âgée de 5 à 11 ans.[1]
Dans les établissements provinciaux pour femmes, les premières visites mères-enfant pour les femmes nouvellement arrivées se déroulent sans contact (derrière une vitre), ce qui peut laisser des séquelles à l’enfant ou du moins le perturber grandement.
Peu d’établissements au Québec offrent un environnement adapté pour les mères qui reçoivent leurs enfants en visite. L’établissement pour femmes de Joliette (fédéral) dispose d’une salle de jeux et d’une cour extérieure aménagée pour les enfants. Une psychologue s’occupe de coordonner le déroulement du programme visant le maintien des relations mères-enfant. Cet établissement est d’ailleurs un des seuls à offrir un service de psychologue spécialisé dans l’enfance, et ce, à temps plein. Plusieurs activités thématiques sont organisées et les rencontres se déroulent au gymnase de l’établissement.
L’établissement Tanguay (femmes / provincial) offre pour sa part des services par l’intermédiaire d’un organisme communautaire qui assure la coordination des rencontres. Celles-ci se déroulent à raison d’une fois par semaine et durent un avant-midi. Les rencontres ont lieu dans le gymnase et les enfants peuvent participer avec leur mère à différentes activités sportives ou récréatives.
Ces deux établissements offrent la possibilité aux enfants jusqu’à 16 ans de séjourner quelques jours avec leur mère. À la prison Tanguay, les enfants peuvent séjourner 24 heures dans une roulotte avec leur mère en présence d’un intervenant de l’organisme communautaire. Pour ce qui est de la prison de Joliette, les rencontres se déroulent sans intervenant et peuvent durer jusqu’à 72 heures. De tels services offrent la possibilité aux mères ainsi qu’à leurs enfants d’assurer la poursuite d’un contact et favorisent le maintien de la relation.
Certains pays offrent la possibilité aux mères de cohabiter avec leur enfant jusqu’à ce que celui ait atteint l’âge de 18 mois. Dans certains pays, la cohabitation peut même durer jusqu’à l’âge de 6 ans. À l’établissement de Joliette, la durée du séjour est variable allant jusqu’à 4 ans pour une cohabitation à temps plein dans une unité spéciale ou jusqu’à 12 ans pour une cohabitation à temps partiel.[2] Bien sûr, certaines conditions s’appliquent. Ainsi, les femmes dont le niveau de sécurité est classé « maximal » ne peuvent profiter du programme de cohabitation. Aussi, un psychiatre évalue la capacité de la mère à s’occuper de son enfant. L’impact de la cohabitation sur l’enfant de même que son opinion (s’il est en âge de la formuler) est également prise en compte. Ces facteurs sont déterminants quant à la poursuite ou non de cette cohabitation parce que l’intérêt de l’enfant doit passer avant tout.
En ce qui a trait à la cohabitation, on se retrouve devant une dualité quant à l’opinion des différents experts, d’une part, il faut penser à l’importance du lien mère-enfant et aux graves répercussions qu’implique une coupure radicale tant pour la mère que pour l’enfant. D’un autre côté, il faut songer au fait que même adaptée, une prison reste quand même une prison et que ce n’est pas un endroit idéal pour un enfant.
Du côté des pères incarcérés, on constate qu’il existe malheureusement très peu de programmes disponibles au Québec pour leur venir en aide, contrairement à d’autres pays et à certains endroits au Canada. Bien sûr, il est possible pour eux de recevoir leur enfant en visite, mais les visites contacts sont peu nombreuses. Dans certains établissements, notamment celui de Québec, seules les visites sécuritaires et deux visites communautaires par année sont permises.
En définitive, l’incarcération d’un parent peut avoir de lourdes conséquences pour les enfants. Celles-ci varient selon l’âge et certaines demeureront même après l’incarcération. Le traumatisme que représente cette situation doit faire l’objet d’une intervention rapide des intervenants et des adultes veillant aux intérêts de l’enfant. Beaucoup de travail reste à faire quant aux services mis en place pour maintenir les relations parents-enfants durant la détention de même que pour les services offerts à l’entourage de la personne incarcérée.
Sources :
[1] http://www.erudit.org/revue/crimino/2002/v35/n2/008292ar.pdf
[2] http://www.cicc.umontreal.ca/recherche/chercheurs_reguliers/denis_lafortune/guide_pratiqueincarceration_parent.pdf
http://www.csc-scc.gc.ca/text/pblct/forum/e141/141i_f.pdf
http://www.csc-scc.gc.ca/text/pblct/forum/e072/072l_f.pdf
http://www.quno.org/geneva/pdf/humanrights/women-in-prison/ImpactParentalImprisonment-200704-French.pdf
http://www.lespolitiquessociales.org/PDF/enfantsdeperesdetenus3&42006%20intro.pdf
http://www.unodc.org/documents/justice-and-prison-reform/cjat/Peines_substitution_incarceration.pdf
http://www.juvenilejusticepanel.org/resource/items/Q/U/QUNORobertsonEprisonrcirconstances08_FR.pdf
Photo : Joseph Hoban – Freeimages.com
Mise en ligne : juin 2011 © Alter Justice
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