Surpopulation carcérale – des conséquences néfastes
Direction
Dernière mise à jour :
9 juillet 2021
Par Pascale Blais-Giroux
La dénonciation des effets néfastes sur les conditions de vie en prison et la réhabilitation sociale des personnes contrevenantes ne date par d’hier. Pour nos « vieux abonnés », ils se rappelleront peut-être que notre bulletin de 1989 traitait principalement de ce sujet. On y dénonçait les transferts injustifiés, la cohabitation entre personnes prévenues et condamnées et que les compressions budgétaires affectaient les programmes de réinsertion sociale et l’accès aux soins de santé.
Pendant ses années, le Protecteur du citoyen a bien tenté d’attirer l’attention des décideurs et du public sur la dégradation des conditions de vie en milieu carcéral en élaborant deux rapports spéciaux soit en 1985 et 1999. Pourtant, nous sommes en 2005 et la situation est quasi similaire.
Dans le cadre de son mandat 2004-2005, le Protecteur du citoyen a visité la totalité des 18 centres de détention du Québec. Cette tournée fait état à nouveau la surpopulation chronique dans plusieurs de ces établissements et que la réalité est alarmante en milieu carcéral.
L’occupation triple des cellules.
En premier lieu, il nous dévoile qu’à l’établissement d’Amos, des cellules prévues pour deux occupants ont dû être habitées par trois personnes. Quelle en est la conséquence immédiate ? La dernière personne doit dormir sur le sol, sur un simple matelas de fortune.
À la prison Sorel, des personnes détenues ont été contraintes de passer la nuit sur des matelas de fortune, dans une petite salle voisine de la réception. Bien entendu, cela était inévitable vu l’absence d’autre option pour les administrateurs et employés de l’établissement. Malgré tout, le constat demeure : il y a trop de personnes incarcérées et pas suffisamment de place pour les héberger convenablement.
Les transferts
La surpopulation entraîne des transferts à répétition entre les établissements. Les personnes incarcérées sont donc transportées contre leur volonté dans d’autres établissements. Cette conséquence, et non la moindre, n’est pas à négliger puisqu’elle fait boule de neige. Ces transferts successifs peuvent être désastreux pour les personnes incarcérées ainsi que pour leurs proches.
Effectivement, ces transferts à répétition peuvent causer des troubles considérables dans le traitement médical des personnes incarcérées. Le fait de déplacer une personne dans un autre établissement emporte un risque de retard dans les transmissions des dossiers de santé vers le nouvel établissement. Le suivi médical des patients en est donc fortement perturbé et peut ultimement avoir des conséquences fâcheuses. L’annulation de rendez-vous avec des spécialistes de la santé est souvent dénoncée par notre organisme.
L’accès au programme de réinsertion mise en péril
Dans un autre ordre d’idées, qu’arrive-t-il à une personne incarcérée qui veut faire une de programme de réinsertion sociale et qui, simultanément, est déplacée contre son gré dans un autre établissement ? Cela cause évidemment des difficultés au niveau de l’étude de cette demande ainsi que l’allongement des délais. Cette conséquence est d’importance surtout que la réinsertion sociale est la meilleure façon d’assurer la protection de la population à long terme.
L’éloignement des proches
Bien que les personnes incarcérées soient déplacées, la famille et les proches de cette dernière ne le sont pas du même coup. L’éloignement des proches est souvent intolérable et entraîne plus souvent qu’autrement un sentiment de frustration et d’impuissance. Souvent issues de familles économiquement défavorisées, les frais téléphoniques augmentent l’endettement de celles-ci.
Le Protecteur du citoyen nous divulgue d’ailleurs un cas où il a été appelé à intervenir. Il s’agit du cas d’un détenu qui avait été transféré de Trois-Rivières à Montréal pour cause de surpopulation. Sa femme, rétablie depuis peu d’une grave dépression, ressentait le besoin de parler fréquemment à son conjoint. En raison des distances les séparant, le couple a dû assumer des frais d’appels téléphoniques exorbitants dépassant de loin leur capacité de payer.
De plus, les parents du détenu ne conduisaient pas de voiture en raison de leur âge et ne pouvaient donc pas rendre visite à leur fils. Dans ce cas bien précis, le Protecteur du citoyen a été en mesure d’obtenir le retour de monsieur dans son établissement initial.
Malheureusement, bien d’autres personnes se retrouvent dans cette même situation d’éloignement. Il n’y a pas toujours d’intervention et la solution est de s’attaquer à la source même du problème, soit la surpopulation en milieu carcéral.
La situation est plus critique dans les établissements de détention de grande dimension comme celui de Québec. Le nombre de plaintes y est plus élevé. C’est là que les problèmes de protection, d’intégrité physique et de discipline sont à la fois plus nombreux et plus difficiles à résoudre. Les relations entre le personnel et les personnes incarcérées sont aussi moins personnalisées et plus difficiles à gérer.
Les problèmes s’additionnent sans être résolus. Le haut taux de suicide en milieu carcéral est sans aucun doute le pire. Le manque de soutien psychologique et de traitement des personnes qui ont des problèmes psychiatriques est l’une des problématiques que l’on doit faire face sans délai. Il est temps de mettre fin aux préjugés véhiculant la vie en prison est aussi belle que celle en hôtel.
Pour consulter le rapport 2004-2005 du Protecteur du Citoyen : www.protecteurducitoyen.qc.ca
Photo : Alouette Correctional Centre – British Columbia (Flickr)
Mise en ligne : novembre 2005 © Alter Justice
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