Unité 9 – Profession : agent des services correctionnels
daniel
Dernière mise à jour :
21 juillet 2021

La fonction d’agent des services correctionnels (ASC) – populairement connu sous l’appellation « gardien de prison » – a bien changé depuis les balbutiements de la bureaucratisation de l’état. L’adoption de la Loi de la probation et des établissements de détention en 1969 – en intégrant la notion de réinsertion sociale des contrevenants adultes au sein de la philosophie des services correctionnels québécois – a également contribué à ce changement.
Le travail
Dans le cadre de leurs fonctions, les ASC doivent se soumettre à un ensemble de règles et de responsabilités. Leur travail ne se limite plus au contrôle et à la sécurité (assurer et maintenir l’ordre dans la prison, verrouiller et déverrouiller les portes, etc.). Les ASC doivent désormais endosser le rôle d’intervenant (par exemple, la relation d’aide). De plus, la gestion du respect des droits des prisonniers ainsi que la gestion du déroulement de leur peine – qui se veut désormais structurée, rationnelle, transparente, responsable et équitable – ont accru leurs tâches administratives (Vacheret et Lemire, 2007).
Or, les rôles traditionnel et contemporain des ASC sont contradictoires ; le contrôle des prisonniers, par exemple au moyen de l’usage de la force, est largement incompatible avec la relation d’aide, par exemple par le soutien moral des prisonniers. L’augmentation de la fréquence des interactions entre les ASC et les prisonniers est venue semer l’ambiguïté dans la définition des tâches de ces agents. Par surcroît, la reconnaissance légale des droits des prisonniers structure les assises des mesures de détention et de mise en liberté. Pour accomplir leurs différentes tâches, les ASC doivent posséder les connaissances adéquates afin d’être impliqués, comme il se doit, dans la réhabilitation des détenus. Pour ce faire, il faut notamment insister sur la formation du personnel (El Faf, 1997).
Formation
Préalablement à leur embauche, les futurs agents doivent avoir fait deux années d’études postsecondaires (par exemple, en intervention en délinquance, en techniques policières, en sciences humaines, en intervention en milieu carcéral) (ministère de la Sécurité publique, en ligne). Ensuite, une formation générale d’intégration de 20 jours est offerte à tous les nouveaux ASC afin de les initier à leurs nouvelles fonctions. Les agents sont informés des diverses obligations et procédures auxquelles ils devront se conformer dans le cadre de leur travail. Depuis 2010, l’École nationale de police du Québec dispense la formation aux recrues (ÉNPQ, en ligne). En dépit de cet enseignement spécialisé, l’ombudsman correctionnel du Québec a constaté qu’en milieu carcéral, peu de ressources sont consacrées à la formation des employés.
Au cours des 13 dernières années, le Protecteur du citoyen a corroboré cette perfectibilité à plus d’une occasion. De prime abord, dans un rapport spécial sur les Services correctionnels du Québec, le Protecteur du citoyen (1999) dénonce le non-respect de plusieurs droits reconnus aux prisonniers. Or, « [c’] est dans le respect des droits des personnes incarcérées que l’administrateur et les fonctionnaires doivent assumer leurs responsabilités. » (Protecteur du citoyen, 1999 : 14).
Afin de s’assurer que le respect des droits des personnes incarcérées fasse partie de la culture du personnel des Services correctionnels, [le Protecteur du citoyen recommande] que les Services correctionnels s’assurent : que le personnel des établissements de détention reçoive la formation appropriée sur le respect et la promotion des droits reconnus aux détenus par les Chartes des droits et libertés de la personne et les principaux instruments internationaux de protection des droits ; […] que le ministère dispense une formation continue à tout son personnel [sic], tous les deux ans, sur les politiques, instructions, lois et règlements que les Services correctionnels ont la responsabilité d’appliquer. (Protecteur du citoyen, 1999 : 70). Ainsi, la formation du personnel est indéniablement essentielle à la connaissance et à la reconnaissance des droits des prisonniers, ne serait-ce que les droits les plus fondamentaux d’un être humain comme celui à la vie et à la sécurité.
Le Protecteur du citoyen dénonce aussi un besoin de formation entourant les mesures disciplinaires. « [Il] estime essentiel que le personnel des établissements de détention reçoive une formation appropriée et continue sur les objectifs et la procédure en matière disciplinaire, et que les membres des comités de discipline reçoivent, eux, une formation approfondie sur les règles de justice naturelle et d’équité procédurale. » (Protecteur du citoyen, 2002 : 79). En 2005, les fonctionnaires travaillant dans les prisons ont communiqué au Protecteur du citoyen leur inquiétude relativement au manque de ressources en matière de formation du personnel. Devant ces allégations, l’ombudsman correctionnel affirme que la formation offerte au personnel doit « constituer une priorité. De solides connaissances concernant les chartes des droits et libertés, la loi, les règlements et les instructions ministérielles sont un élément essentiel à la compétence des employés. Elles sont indispensables à l’accomplissement de la mission des services correctionnels […]. » (Protecteur du citoyen, 2005 : 42).
Entre 2006 et 2010, le Protecteur du citoyen n’a pas formulé d’autre constat relativement à la formation du personnel dans les établissements de détention québécois. Cela dit, le respect des droits des détenus comportait toujours de sérieuses lacunes. Les faits dénoncés par le Protecteur du citoyen dans chacun de ses rapports annuels en témoignaient. En 2011, le rapport du Protecteur du citoyen réaffirme le manque de formation du personnel, notamment auprès des nouveaux ASC, embauchés en grand nombre au cours de ces dernières années (Protecteur du citoyen, 2011). Puisque nous en savons très peu sur le déroulement de la formation offerte aux ASC, il serait précipité de nous positionner quant à sa qualité et sa justesse. Nous sommes plutôt d’avis que les lacunes reprochées en matière de formation reflètent davantage la complexité de leurs fonctions et de l’environnement dans lequel ils doivent les exécuter.
Le métier d’ASC est une source importante de stress : charge importante de travail, absence de latitude décisionnelle, ambiguïté et conflit vis-à-vis son rôle, tâches routinières, etc. La violence interpersonnelle entre les membres du personnel, la détresse psychologique au travail et l’épuisement professionnel sont d’autres problématiques prévalant au sein de ce milieu (Bourbonnais et coll., 2008). Dans cet esprit, nous estimons que la meilleure formation ne saurait préparer justement les nouveaux ASC aux diverses réalités auxquelles ils seront confrontés dans l’exercice de leurs fonctions.
La place des femmes
Les femmes font de plus en plus leurs places dans ce métier traditionnellement masculin. Dans les prisons fédérales, le tiers des agents sont des femmes, et la proportion grimpe à 40 % dans les prisons provinciales.
Pour plus d’information sur le métier d’agente correctionnelle, nous vous invitons à lire le dossier spécial publié par Châtelaine >>>
Sources :
BOURBONNAIS, Renée, Michel Vézina, Nathalie Jauvin, Julie Dussault et Éric Lavigne (2008), Rapport de recherche sur les effets du travail en détention sur l’absentéisme au travail, la santé et la sécurité du personnel : résultats du questionnaire réalisé auprès des agent/es de la paix en services correctionnels du Québec en 2007, Recherche sur les impacts psychologiques, organisationnels et sociaux du travail (RIPOST), CSSS de la Vieille Capitale, Centre affilié à l’Université Laval.
EL FAF, Mohamed (1997), L’agent des services correctionnels (gardien) et le nouveau rôle au sein de l’Établissement de détention de Montréal, Mémoire présenté à la Faculté des études supérieures en vue de l’obtention du grade de Maître ès sciences (M. Sc.) en criminologie, Université de Montréal.
PROTECTEUR DU CITOYEN (1999), Rapport du Protecteur du citoyen sur les services correctionnels du Québec, Assemblée nationale, Québec.
PROTECTEUR DU CITOYEN (2002), Rapport annuel 2001-2002. Au-delà de la norme., Assemblée nationale, Québec.
PROTECTEUR DU CITOYEN (2005), Rapport annuel 2004-2005. Et si c’était vous?, Assemblée nationale, Québec.
PROTECTEUR DU CITOYEN (2007), Rapport annuel 2006-2007. Compassion. Équité. Impartialité. Respect., Assemblée nationale, Québec.
PROTECTEUR DU CITOYEN (2011), Rapport annuel 2010-2011. Justice. Équité. Impartialité. Respect. Transparence., Assemblée nationale, Québec.
VACHERET, Marion et Guy Lemire (2007), Anatomie de la prison contemporaine, Montréal, Presses de l’Université de Montréal.
Sites Internet
École nationale de police du Québec, http://www.enpq.qc.ca
Ministère de la Sécurité publique, http://www.securitepublique.gouv.qc.ca
Important : les renseignements fournis sont à titre d’information et ne peut être utilisé comme des textes ayant une valeur juridique. Seuls les textes officiels des Lois et des Règlements ont force de loi.
Mise en ligne : novembre 2012 © Alter Justice
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