Unité 9 – L’isolement en milieu carcéral

daniel
Dernière mise à jour :
21 juillet 2021

L’isolement en milieu carcéral peut être utilisé à des fins préventives ou comme mesure disciplinaire, tant au niveau provincial que fédéral.  Malheureusement, l’isolement est aussi employé comme moyen de « prévention » du suicide en prison.  Si le fait d’isoler une personne nue, sans effets, réduit les risques qu’elle passe à l’acte, cette façon de faire soulève de sérieuses questions.

L’isolement dans les prisons du Québec

L’isolement préventif

Ce type d’isolement a pour but d’empêcher la personne incarcérée d’être en contact avec la population carcérale et est utilisé lorsque les autorités correctionnelles ont des motifs raisonnables de croire qu’elle dissimule des objets interdits, tels des drogues, stupéfiants ou médicaments qui ne vous ont pas été prescrits. L’isolement préventif se fait dans une cellule où la personne doit demeurer seule.  La personne en isolement préventif perd sont droit à une heure de sortie de cour par jour.

L’isolement préventif est d’une durée de 72 heures.  Si la personne incarcérée évacue les objets interdits, on met fin à l’isolement.  L’isolement préventif peut être prolongé selon différents critères. On doit donner l’occasion à la personne incarcérée de présenter vos observations avant de vous imposer une mesure d’isolement préventif.

La personne incarcérée a le droit de faire réviser la décision par l’administrateur de l’établissement et de présenter vos observations à l’administrateur.  La décision de l’administrateur doit être rendue dans les 48 heures suivant le début de la mesure d’isolement.

L’isolement disciplinaire

L’isolement disciplinaire est une sanction qui est imposée lorsqu’une personne incarcérée a commis un manquement à la discipline.  Elle est imposée par le comité de discipline. L’isolement disciplinaire peut être accompagné de la perte de certains privilèges.   Toutefois, la personne qui fait l’objet de toute sanction disciplinaire, incluant l’isolement, a droit à une heure de sortie de cour (plein air) par jour.  Il existe deux types d’isolement disciplinaire, soit :

  • Le confinement : La personne incarcérée à l’obligation de demeurer dans sa cellule.  Durée maximale : 5 jours.
  • La réclusion : La personne incarcérée à l’obligation à l’obligation de demeurer dans une cellule d’un autre secteur et « les contacts avec le monde extérieur sont pratiquement inexistants »[1].  Durée maximale : 7 jours.

La personne incarcérée a le droit de faire une demande de révision dans les 8 heures ouvrables suivant la réception du compte rendu du comité de discipline.  La demande est évaluée par le directeur de l’établissement qui peut maintenir, modifier ou annuler la décision ou la sanction. Le directeur à 8 heures ouvrables suivant le jour de la demande de révision pour transmettre sa réponse.

On déplore cependant que la loi ne prévoit pas de suspension de la sanction disciplinaire dans le cas où une personne incarcérée exerce son droit de révision.  En conséquence, il est fréquent que la personne ait déjà purgé sa sanction avant même qu’elle ne soit révisée.

Dans les pénitenciers (fédéral) [2]

L’isolement disciplinaire

L’isolement disciplinaire est l’une des sanctions qui peuvent être imposées à un détenu lorsqu’il est déclaré coupable d’une infraction disciplinaire [3]. Elle consiste à placer le détenu condamné seul, à l’écart des autres codétenus, pendant une période de temps n’excédant pas 30 jours [4]. Cet isolement peut comporter ou non des restrictions à l’égard des visites de la famille, des amis ou d’autres personnes de l’extérieur du pénitencier.

Dans l’optique où l’isolement disciplinaire est la sanction qui a été retenue dans les circonstances, le détenu pourra avoir accès à ses effets personnels qui sont conformes aux restrictions de l’unité d’isolement en matière de sécurité dès que possible, mais au plus tard dans les cinq jours suivant son placement en isolement [5]. Un détenu qui purge une sanction d’isolement disciplinaire aura accès aux activités et aux services suivants[6] :

  • services de gestion des cas;
  • services de soutien spirituel, y compris le soutien d’aînés autochtones;
  • séances d’exercice à l’extérieur de la cellule (au moins une heure par jour);
  • interventions en santé mentale, selon les besoins;
  • services administratifs, cours de formation, soins de santé physique et mentale. 

L’isolement préventif

L’isolement préventif vise des objectifs bien différents de l’isolement disciplinaire et surviendra dans deux types de situations : à la demande du détenu ou suite à une décision imposée par le directeur d’un pénitencier. Ce type d’isolement est jugé approprié lorsque la situation nécessite d’assurer la sécurité de l’établissement et des personnes qui s’y trouvent (incluant le détenu placé en isolement) ou d’assurer l’intégrité des enquêtes en cours ou à venir.

Il est expressément prévu qu’un détenu placé en détention préventive aura accès aux éléments suivants [7] :

  • des interventions ou des programmes correctionnels;
  • des services de gestion des cas;
  • un soutien spirituel;
  • des services de counseling psychologique, si besoin est;
  • au moins une heure d’exercice par jour, en plein air si le temps le permet ou à l’intérieur dans le cas contraire;
  • des visites;
  • des douches – au minimum tous les deux jours;
  • ses effets personnels autorisés – si, à l’issue de l’audience du Comité de réexamen des cas d’isolement préventif tenue le cinquième jour ouvrable suivant le placement l’on décide de maintenir le détenu en isolement préventif, celui-ci a droit à ses effets personnels autorisés dans les trois jours ouvrables suivants.

Au niveau du respect des garanties procédurales, il importe de noter que lorsque l’isolement préventif est imposé à un détenu, ce dernier doit être avisé par écrit des motifs de cette mesure au cours du jour ouvrable suivant l’isolement [8]. Également, le Comité de réexamen des cas d’isolement préventif de l’établissement devra tenir une audition afin d’examiner la légitimité de la situation dans les cinq jours ouvrables suivant l’isolement préventif du détenu [9] et par la suite, au moins une fois tous les 30 jours tant qu’est maintenu l’isolement préventif du détenu. Suite à chaque audition, ce comité recommandera au directeur de l’établissement de mettre un terme à l’isolement préventif ou de maintenir le détenu en isolement.

Autre situation où une mesure d’isolement peut être prise

La loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous conditions [10] prévoit également que dans l’optique où le directeur de l’établissement est convaincu qu’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un détenu a dissimulé dans une cavité corporelle ou ingéré un objet interdit, il peut alors autoriser, par écrit, l’isolement en cellule nue, avec avis en ce sens au personnel médical, jusqu’à expulsion de l’objet[11]. Cette personne est placée en cellule sèche. (voir la fiche sur les fouilles pour la description).

Contestation d’une décision

À noter qu’à toutes les étapes du processus, la personne incarcérée qui estime que ses droits ont été lésés peut toujours s’adresser à la Cour fédérale ou à la Cour supérieure d’une province pour demander un contrôle judiciaire de son cas.

L’isolement comme mesure pour prévenir le suicide

Plusieurs, dont Alter Justice, dénoncent l’utilisation de la réclusion et de l’isolement pour gérer les personnes incarcérées à risque de se suicider, une mesure confirmée par le bureau de l’Enquêteur correctionnel[12] et le Protecteur du citoyen du Québec[13].  Si l’utilisation de l’isolement permet évidemment de réduire les risques de passage à l’acte en raison du fait que la personne est souvent placée nu, sans aucun effet, il n’en demeure pas moins qu’un soutien psychologique serait une solution moins dégradante et plus appropriée.  Malheureusement, il n’y a aucun psychologue dans les prisons, malgré le fait qu’environ 40% des personnes incarcérées présentent des problématiques de santé mentale à divers degrés.

De peur d’être envoyées au « trou » et de perdre la quasi-totalité de leurs privilèges, plusieurs personnes incarcérées hésitent à parler de leurs problématiques et de leurs pensées suicidaires.  Une situation malheureuse.

Autres problèmes

L’utilisation de l’isolement a été mentionnée à plusieurs reprises dans les rapports annuels du Protecteur du citoyen.  Dans son rapport annuel 2007-2008, le Protecteur du citoyen écrivait :

« Dans plusieurs établissements, les secteurs de réclusion étaient particulièrement sales et mal entretenus.  Au moment de notre passage dans l’un de ces secteurs, le personnel reconnaissait le bien-fondé des griefs des personnes incarcérées, selon lesquels les toilettes de l’une des cellules étaient brisées depuis plus d’un moins »
(Protecteur du citoyen, 2007-2008, p. 107)

« Un citoyen se voit imposer une sanction de sept jours de réclusion.  À la fin de cette période, il est avisé par les agents du secteur qu’il devra purger le reste de sa peine en réclusion, soit un mois.  Les responsables de l’établissement devraient reclasser le citoyen dans un secteur sécuritaire avec un régime de vie restrictif en raison de son comportement, mais puisqu’il n’y avait plus de place disponible dans ce secteur, le citoyen fut simplement maintenu en réclusion.  […]  Un transfert vers un autre établissement a finalement été organisé pour permettre au citoyen d’être placé dans un secteur de résidence.  Il aura été gardé en réclusion pendant 16 jours. »
(Protecteur du citoyen, 2007-2008, p. 113)

Sources :

[1] Me Sébastien Caron. « Confinement ou réclusion? », consulté le 15 octobre 2011.

[2] Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, c. 20; Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, DORS/92-620.

[3] Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, préc., note 1, art. 44.

[4] Id.

[5] Directive du commissaire : Mesures disciplinaires prévues à l’endroit des détenus. | Nº 580 | 2012-06-13, consultée le 13 octobre 2012.

[6] Id.

[7] Directive du commissaire : L’isolement préventif. | Nº 709 | 2007-11-09, art. 17, consultée le 13 octobre 2012. 

[8] Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, préc., note 1, art. 19.

[9] Id., art. 21.

[10] Préc., note 1.

[11] Id., art. 51 b)

[12] Bureau de l’Enquêteur correctionnel du Canada.  Évaluation finale de la réponse du Service correctionnel du Canada sur les décès en établissement, Ottawa, 2010.

[13] Protecteur du citoyen.  Rapport annuel d’activités 2007-2008, p. 112-113.

Directive du commissaire : L’isolement préventif. | Nº 709 | 2007-11-09, consultée le 13 octobre 2012.

Service correctionnel du Canada, consulté le 13 octobre 2012

Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, c. 20;

Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, DORS/92-620.

Directive du commissaire : Mesures disciplinaires prévues à l’endroit des détenus. | Nº 580 | 2012-06-13, consultée le 13 octobre 2012.

Loi sur le système correctionnel du Québec

Règlement d’application sur le système correctionnel du Québec

Important : les renseignements fournis sont à titre d’information et ne peut être utilisé comme des textes ayant une valeur juridique.  Seuls les textes officiels des Lois et des Règlements ont force de loi.

Mise en ligne : octobre 2012 © Alter Justice

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