Unité 9 – De Joliette à Lietteville

daniel
Dernière mise à jour :
21 juillet 2021

Le pénitencier de Lietteville que l’on voit dans Unité 9 est un bien sûr un établissement fictif, mais il est grandement inspiré du pénitencier pour femmes de Joliette.  Un pénitencier construit selon un modèle visant à favoriser la réinsertion sociale des femmes qui se veut très différents de l’idée qu’on le peut se faire de la prison traditionnelle.

Nous vous présentons un bref aperçu de ce nouveau modèle d’incarcération et de ce qui a mené à sa mise en place.

Un changement de philosophie

Au Canada comme dans plusieurs pays, « la décennie 1990-2000 est marquée par de profonds changements en matière d’enfermement des femmes, mais aussi de façon plus générale en matière justice faite aux femmes ».  (GIROUX, Lise & Sylvie FRIGON. (2011) p.7)

Ces transformations découlent principalement de trois importants rapports, à savoir : La Création de choix, du Groupe d’étude sur les femmes purgeant une sentence fédérale; le rapport de la Commission d’enquête sur certains évènements survenus à la prison des femmes de Kingston déposé en 1996 par la juge Louise Arbour et du rapport de l’Examen de la légitime défense.

À cette époque, on ne comptait qu’un seul pénitencier pour femmes au Canada, situé à Kingston, en Ontario. 

Or, cet établissement correctionnel fut maintes fois critiqué.  « Dès les premières années suivant son ouverture en 1934, la prison des femmes de Kingston sera critiquée.  Déjà, en 1938, une commission d’enquête recommande sa fermeture.   Tous les autres groupes de travail et commissions d’enquête qui se succéderont en arriveront à cette conclusion » (GIROUX, Lise & Sylvie FRIGON. (2011) p. 8)

Tous les rapports font état d’un manque d’adaptation du système carcéral à la réalité des femmes. Il faut dire que la criminalité était, et est toujours, majoritairement une « affaire d’homme ».  Plusieurs ont dénoncé le manque de programmes de réinsertion sociale destiné aux femmes, particulièrement pour les femmes francophones et autochtones.

Par ailleurs, le fait d’avoir un seul pénitencier pour femmes engendrait deux problèmes importants.  Premièrement, l’éloignement des femmes de leurs milieux d’origine avait pour conséquence de rendre le maintien des liens familiaux difficiles voir impossible.   De même, cette distance compliquait grandement les démarches de réinsertion sociale des femmes : difficultés à se trouver un logement, un emploi, etc. Deuxièmement, l’unique pénitencier engendrait un problème de surclassement : les femmes qui s’étaient vu attribuer une cote de sécurité minimale ou moyenne se trouvaient dans un établissement à sécurité maximale.

Les problèmes de discrimination, de harcèlement, d’état physique des lieux ont aussi été dénoncés. Bref, victimes de leur petit nombre, les femmes étaient les grandes oubliées du système correctionnel.

Le Groupe d’étude sur les femmes purgeant une peine fédérale, mis sur pied par le gouvernement canadien a donc entreprit d’étudier la question et publiait en 1990 le rapport La création de choix, qui allait transformer en profondeur la philosophie et l’approche en matière de détention des femmes. 

« Ce rapport innove en proposant un modèle correctionnel axé sur les besoins des femmes et reposant sur cinq principes directeurs : 1) le pouvoir de contrôler sa vie, 2) des choix valables et responsables, 3) le respect et la dignité, 4) un environnement de soutien, et 5) la responsabilité partagée. » (GIROUX, Lise & Sylvie FRIGON. (2011) p.9)

Cette transformation s’est traduite par l’ouverture au milieu des années 90 de cinq nouveaux établissements fédéraux pour femmes au Canada et la fermeture, en 2000, de la prison de Kingston.

De ce nombre, on compte quatre établissements régionaux (Edmonton, Grand Valley, Nova et Joliette.  Le cinquième centre est un établissement unique qui accueille principalement les femmes autochtones : le Pavillon de ressourcement Okimaw Ochi.

Les quatre établissements régionaux sont conçus sur un nouveau modèle qui s’éloigne de l’image traditionnelle que l’on se fait d’une prison.  Plutôt que d’être incarcérées dans une série de cellules en rangées comme dans les prisons masculines, les femmes sont placées dans des unités d’habitation qui favorisent la vie communautaire et la prise en charge.

En fait, il faut plutôt voir l’ensemble du périmètre de sécurité comme étant la prison au lieu d’un seul et unique établissement.  Dans ce périmètre on retrouve des « maisons » dans lesquels cohabitent de six à dix femmes qui doivent partager et exécuter les tâches quotidiennes, comme la préparation de leurs repas, leur lavage et leur ménage. Même si l’aménagement est différent, les détenues doivent cohabiter entre elles dans une salle commune comme cela est le cas dans les prisons plus traditionnelles.  Toutefois, comme elles doivent voir à leur propre repas, ces maisons sont évidemment dotées d’une cuisine commune, ce qui n’est pas le cas dans les autres prisons.

Pour résumer, le fonctionnement de ces nouveaux établissements vise à reproduire d’une certaine façon, la vie en société et ainsi faciliter la réinsertion sociale.

Bien que le concept soit à priori moins restrictif, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’un établissement correctionnel.  Si les fenêtres des unités n’ont effectivement pas de barreaux, elles sont tout de même reliées à un système de sécurité et les déplacements sont contrôlés.  Les établissements sont entourés d’une clôture et munis d’un système de détection.

Les établissements pour femmes peuvent accueillir les femmes ayant une cote de sécurité minimale, moyenne ou maximale.  Ces dernières cependant sont incarcérées dans des unités d’habitation différentes, où les mesures de sécurité sont accrues : les unités de garde en milieu fermé.  Ces unités sont divisées en modules de cinq ou six cellules qui peuvent être verrouillés et qui sont dotés d’une toilette et d’un évier. On y retrouve également une cellule d’isolement.  Les femmes à sécurité maximale sont mises à l’écart des autres détenues et ne peuvent sortir des unités que sous la supervision du personnel.

De leurs côtés les femmes qui sont aux prises avec des problèmes de santé mentale importants et ayant une cote de sécurité minimale ou moyenne sont maintenues dans des unités d’habitation à environnement structuré.

Joliette

L’établissement de Joliette compte :

  • Dix unités résidentielles pouvant accueillir jusqu’à huit détenues.
  • Une unité de garde en milieu de vie structuré pouvant accueillir jusqu’à huit détenues.
  • Une unité de garde en milieu fermé pouvant accueillir jusqu’à 10 détenues à sécurité maximale.

Un mode de vie similaire à la réalité malgré la sécurité

Comme c’est le cas dans plusieurs établissements de détention, tant provincial que fédéral, il y a possibilité pour certaines personnes incarcérées d’avoir accès à un travail ou de compléter leurs études.  L’expérience de travail acquise en détention facilitera la réinsertion sociale de plusieurs personnes.

Mais contrairement aux autres détenus, les femmes incarcérées dans les pénitenciers pour femmes doivent voir à la préparation de leurs repas. 

« Il n’y a pas de cafétéria et les détenues reçoivent 31,50 dollars par semaine pour l’épicerie. Elles choisissent ce qu’elles veulent manger dans une liste et doivent ensuite préparer leurs repas. Il y a aussi des règles à suivre. L’horaire débute à 8h le matin et se termine à 16h et elles doivent étudier ou encore travailler à la confection de sous-vêtements pour les détenus masculins de tous les pénitenciers canadiens. Elles en fabriquent plus de 11 000 chaque mois et reçoivent, en retour, 6,90 dollars par jour. »*

Preuve que le système s’est adapté à la réalité des femmes, il est possible pour les femmes de vivre avec leurs enfants pendant un certain temps au pavillon de ressourcement et au pénitencier de Joliette.

Un modèle à développer?

Bref, le mode de fonctionnement des pénitenciers pour femmes au Canada est certes très différent de l’image que l’on se fait de la prison traditionnelle, mais il a été conçu dans un objectif de tout mettre en œuvre pour faciliter la réinsertion sociale des femmes.  Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit bel et bien d’un établissement correctionnel, avec les mesures de sécurité qui s’imposent.  Il ne faut jamais perdre d’esprit qu’une personne incarcérée perd d’abord et avant tout l’un des droits les plus importants : la liberté.  Ce n’est pas rien.

C’est là un modèle qui cependant figure d’exception dans l’univers carcéral.  Les établissements pour hommes et les prisons pour femmes provinciales sont loin d’y ressembler.  Il y aurait peut-être là des pistes intéressantes.

Sources :

GIROUX, Lise & Sylvie FRIGON. Profil correctionnel 2007-2008 : Les femmes confiées aux Services correctionnels, Québec, Services correctionnels, ministère de la Sécurité publique du Québec, 2011.  99 pages.

Profil des établissements correctionnels fédéraux du Canada, Établissement Joliette.  Service correctionnel Canada, consulté le 14 septembre 2012.

* TVA, Prison de Joliette : une détenue défends les services offerts, 12 décembre 2005.

Important : les renseignements fournis sont à titre d’information et ne peut être utilisé comme des textes ayant une valeur juridique.  Seuls les textes officiels des Lois et des Règlements ont force de loi.

Mise en ligne : septembre 2012 © Alter Justice

Page précédente