Tannée du sous-financement

Josiane Picard
Dernière mise à jour :
17 juillet 2023

Aujourd’hui, on perd une collègue.  

Aujourd’hui, on perd une employée. 

Aujourd’hui, on perd une intervenante en qui les usagers avaient confiance. 

Aujourd’hui, on perd une amie.  

Voici la triste réalité des organismes communautaires. Une réalité à laquelle aujourd’hui, en tant qu’organisme, nous sommes confronté(e)s. Nous perdons un morceau de l’organisme, une intervenante en or, parce que nous n’avons pas le financement pour la garder.  

Tristesse. Colère. Désarroi. Épuisement. 

Tant d’émotions négatives à la fois qui auraient pu être évitées si les gouvernements reconnaissaient le travail que nous faisons chaque jour.  

Nous avons un beau problème à notre organisme, nous avons de nouvelles demandes chaque jour. Beau problème oui, mais seulement si nous étions capables d’y arriver. Nous arrivons à peine à garder notre tête au-dessus de l’eau. Avec le départ de notre collègue, nous serons submergé(e)s par une nouvelle vague, essayant de nager encore plus fort que nous le faisons déjà, encore plus épuisé(e)s que nous le sommes déjà.  

Nous ne sommes pas un organisme qui aide les jeunes en difficulté. Nous ne sommes pas un organisme qui aide les victimes de violence conjugale. Nous sommes un organisme qui aide une clientèle que la société discrimine, rejette. Ironiquement, nous nous faisons discriminer, car nous aidons cette clientèle discriminée. Et pourtant, notre mission est de favoriser cette même réhabilitation qu’on scande en grande pompe et qu’on met à mal de toute sorte de façon. Nous aidons à rendre la société plus juste et sécuritaire en diminuant les risques de récidive criminelle. On nous dit merci et « ciao les tartelettes » pour du financement. 

Recherche, appel de projets, refus. Recherche, demande de financement, refus. Recherche, appel de projets, refus. Recherche, demande de financement, refus. Voici à quoi se bute notre organisme chaque année, pour essayer de survivre avec les demandes grandissantes. Bien entendu, nous avons des réussites, sinon, notre épave échouée aurait déjà été retrouvée. Mais ces réussites ne sont pas aussi nombreuses que les refus.  

Tristesse. Colère. Désarroi. Épuisement. 

Des émotions auxquelles nous sommes confronté(e)s toutes les fois que nous recevons une réponse négative à la suite d’un appel de projets ou une demande de financement. Des émotions qui pourraient être évitées, si les gouvernements reconnaissaient véritablement le travail que nous faisons chaque jour.  

Au niveau de la Ville de Québec, l’article 2.1.2 de la Politique de reconnaissance des organismes à but non lucratif stipule que « les organismes qui ont pour principale mission […] [l]e soutien ou l’accompagnement de personnes aux prises avec une dépendance ou judiciarisées » ne sont pas admissibles à la reconnaissance [de la Ville].  

Cet article parle de lui-même : discriminé à aider les discriminés, même si le gouvernement provincial reconnait notre organisme. Pourquoi la Ville ne peut (ou ne veut) pas en faire autant?  

Au niveau du Québec, nous avons vu une augmentation au budget pour les organismes communautaires. Mais cette augmentation est nettement inférieure à ce dont nous avons besoin. Il est estimé qu’afin de bien réaliser leur mission, les organismes au Québec ont besoin de 460 millions de dollars de plus par année de façon récurrente. Et les annonces du dernier budget offrent un maigre 25% de ce qui est demandé. 

Au niveau fédéral, on lance un projet de financement « caché » pour aider les organismes qui offre de l’aide pour la demande de pardon, sans qu’aucune instance nous en fasse mention, bien que nous soyons un organisme national reconnu. Résultat? Avec un délai d’à peine un mois pour déposer une demande, sous un nom obscur, elle nous a glissé entre les doigts. Appel, courriel, rien à faire : on nous refuse de présenter une demande. Et c’est quand on a une réponse.  

Voilà la sombre réalité du communautaire, où nous devons nous battre avec les différents paliers du gouvernement pour avoir des conditions de travail qui ont du sens, tout en se battant à défendre les droits de nos usager(e)s et à leur donner un service à la hauteur de leurs besoins. 

Josiane Picard, intervenante chez Alter Justice

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